De Nedde à Peyrelevade, les projets éoliens qui fleurissent sur la Montagne limousine ne font pas l’unanimité. Les habitant.es ne sont pas associés à ces choix qui façonnent le territoire et se questionnent : pour faire face au changement climatique, les éoliennes industrielles sont-elles une solution ?
Depuis l’ouverture du marché de l’électricité aux appétits financiers les éoliennes ont envahi nos paysages, bouleversant les panoramas traditionnels. Les débats font rage, parfois tendus, entre élus locaux contraints par des budgets serrés, habitant.es impactés par la présence de ces énormes machines et une administration préfectorale sourde aux mobilisations citoyennes.
Alors, « pour ou contre l’éolien » ? Le débat est souvent présenté sous cette unique alternative. Il y aurait d’un côté des réactionnaires crispés sur une vision conservatrice des paysages et de l’autre, les tenants d’une modernité sobre, alternative au productivisme capitaliste. Après tout, ces machines n’ont-elles pas tout pour séduire ? Y a-t-il plus naturel, plus « libre », plus écolo que le vent qui pousse les pales comme il fait frétiller les feuilles de nos arbres ? La publicité des industriels exploite habilement ce filon.
Déni de démocratie et supercherie « écologique »
Dans la plupart des projets, les habitant.es ne sont pas questionnés. L’avis des élus eux-mêmes, quand il est négatif, est ignoré, les études d’impact des promoteurs sont bâclées, une manifestation de plus du mépris dans lequel les industriels et les administrations tiennent les citoyens.
Au nom de quel droit, le paysage, qui est un bien commun pourrait-il être confisqué par un promoteur sans l’avis des populations ? Pas plus qu’un propriétaire de forêt ne devrait avoir le droit d’y opérer une coupe rase sans s’inquiéter des conséquences environnementales, un industriel ne devrait avoir le droit de confisquer un paysage pour y implanter ses machines, à grands coups de bulldozers et de béton.
Car derrière ces machines se cache une catastrophe écologique : oiseaux et chauve-souris en sont les premières victimes. À Peyrelevade, des espèces en danger sont bien présentes et repérées par les promoteurs eux-mêmes : grande noctule, pipistrelle, milan royal… Ces éoliennes dominent les vallées du Cubaynes classées « rivières sauvages » mais les eaux et les sols sont dégradés du fait des ruissellements : laitance du ciment, huiles… Des milliers de tonnes de béton sont nécessaires au maintien des machines, sans compter les terres rares nécessaires à la construction et les mines de cuivre pour le transport de l’électricité produite. Ajoutons à cela que le clignotement des éoliennes met à mal notre remarquable ciel étoilé distingué par le label RICE. Il est donc cohérent que le PNR ait pris une position de principe ferme en se déclarant hostile à toute nouvelle implantation d’éoliennes.
Une affaire rentable. Mais pour qui ?
De grandes entreprises comme Total, Iberdrola ou Nordex sont reines du marché mais qui paie ces requins de la finance ? Ce sont les citoyens dans leur ensemble car même lorsque ces sociétés privées ne sont pas nos fournisseurs directs, nous payons le marché conclu par l’État et EDF qui se sont engagés à racheter l’électricité éolienne à un prix bien supérieur à son coût réel. C’en est fini du service public d’électricité (comme de l’eau, de la poste ou du rail) qui garantissait à tous depuis 1946, un prix unique du KW.
Derrière ces « parcs » se cache mal le productivisme : vouloir contrer le changement climatique engendré par la course à la production, par une nouvelle course à la production, c’est un peu comme confier au pyromane le soin d’éteindre l’incendie. E. Macron nous a promis 8000 éoliennes de plus d’ici la fin de son mandat et l’a répété : « il nous faudra produire 60 % d’électricité supplémentaire d’ici 2050 ! ». Et en effet, dans un monde où le bien-être ne se mesure qu’à la hauteur du PIB, comment envisager des chemins de sobriété ?
Une inquiétude grandissante
À Peyrelevade, le parc éolien installé en 2004 arrive à son terme. Vingt ans, nous aurions pu espérer un bilan et un questionnement. Eh bien non : « toujours plus, toujours plus haut ! ». Malgré ses difficultés financières récurrentes, les promoteurs ont déposé auprès de la préfecture une demande de renouvellement et de rehausse des 6 éoliennes. Renouvellement accepté sans consultation des associations et riverains, mais rehausse refusée par l’armée (en cause le radar d’Audouze). Mais voilà que la « Grande muette » fait entendre un nouveau son de cloche et revient sur son veto initial. Quand on sait que l’implantation de plus de 160 éoliennes sur le seul PNR a été envisagée, ce revirement a de quoi faire peur !
Il faut que cette question soit débattue et que les choix énergétiques ne soient pas laissés aux seuls marchands. Éolien, hydraulique, nucléaire, bois-énergie, solaire et «agrivoltaïsme», filière bois-énergie, lithium : De quelle énergie avons-nous besoin ? Comment la produire au mieux ? Avec quelles conséquences ? Comment sommes-nous associés ou dépossédés de ces choix ? La question de l’énergie est centrale et le Syndicat entend s’en saisir davantage.
L’opposition aux éoliennes industrielles est porté à Peyrelevade par l’ADVPPG (Association de défense du vivant et de protection des paysages des plateaux de Gentioux).
Pistes pour défendre la rivière et la ressource en eau.
Du 31 mai au 12 juin a donc eu lieu la Fête dans le chevelu de la Vienne… deux à trois évènements par jour pendant douze jours depuis le site des sources de la Vienne, en haute-Corrèze, à Saint Sétier, jusqu’à Saint Léonard de Noblat en Haute-Vienne. A l’initiative du Groupe Eau du Syndicat de la Montagne Limousine cet évènement se voulait être une enquête populaire sur l’état de la rivière et de la ressource en eau sur le territoire. Après plusieurs années successives de sécheresse qui ont touché de plein fouet la Montagne Limousine, la ressource en eau, qu’on croyait ici intarissable, s’est retrouvée sous tension dans de nombreuses communes du secteur avec un impact visible à la fois sur les massifs forestiers mais aussi sur la végétation dans son ensemble et a fortiori sur les ressources fourragères. Habitants concernés par la ressource en eau et sa gestion, nous avons donc décidé d’inviter tous les habitantes et habitants du territoire à nous rejoindre au fil de la rivière pour faire l’état des lieux de la situation.
De nombreux dispositifs institutionnels encadrent déjà l’action publique autour de la rivière, particulièrement sur notre territoire dit de « tête de bassin », avec de nombreuses expertises et documents de vulgarisation, et on pourrait se demander ce qu’une intervention d’habitants « non-spécialistes » sur le sujet pouvait bien apporter à la situation. C’était bien là le pari que nous avons fait, que de jouer pleinement notre rôle de non-sachant, non spécialistes, mais usagers bien réels du territoire et d’aller ensemble à la rencontre de la rivière et des différentes associations et institutions qui interviennent d’une manière ou d’une autre sur la rivière ou la ressource en eau. Nous pensions que cela pouvait produire des effets de clarification, et mettre à jour d’une façon nouvelle les enjeux et les urgences sur la question ainsi que les moyens à notre disposition.
L’objectif était aussi pour nous d’alimenter le débat sur différentes questions clivantes sur le territoire et de produire tant que faire se peut, un peu d’intelligence commune sur ces sujets et ainsi peut-être, trouver de nouveaux leviers d’action pour influer positivement sur la situation. Notre premier objectif était de sortir de l’état d’angoisse paralysante que produisent la litanie des nouvelles catastrophiques et le sentiment très répandu de n’avoir jamais les moyens d’agir au juste niveau. Nous avons donc tout au long des mois qui précédaient tenté d’entrer en contact avec les associations et les institutions qui œuvrent à différents niveaux tout au long de l’année sur es milieux aquatiques pour avoir leur récit, leurs éclairages, leur expérience. Notre démarche se voulait transversale, en croisant des regards et des approches différentes, scientifique, technique, politique, historique, ethnographique, artistique mais aussi vernaculaire avec les récits d’usagers quotidiens de la rivière, pêcheurs, agriculteurs, randonneurs, kayakistes, simples riverain.e.s. Et la transversalité fut au rendez-vous, de petites assemblées se sont formées au fil des différentes étapes mêlant de 10 à 30 personnes de différents horizons, pour creuser un ou l’autre des aspects du problème que nous nous proposions de déplier. Certaines pour une demi-journée, d’autres pour quelques jours, et pour quelques plus rares privilégié.e.s une vraie descente de Vienne sur 12 jours continus.
Nous n’aurons bien-sûr pas eu le loisir de régler toutes les questions que nous prétendions aborder mais s’est dessinée au fil des jours une vraie cartographie du réseau hydrographique et de ses multiples enjeux. Il y eu beaucoup de questions et quelques débuts de réponses, sur l’impact et l’intérêt de la chaîne de barrages de Vassivière, sur les enjeux de la privatisation des ouvrages, sur l’ambivalence du regain d’intérêt pour l’hydro-électricité en période de réchauffement climatique, sur les menaces qui pèsent sur la ressource en eau, sur ses modes de gestion (régies, délégations…), sur l’importance des continuités écologiques et ce que nous pouvons faire pour les restaurer…
Pour certain.e.s qui s’intéressaient au sujet depuis longtemps mais plus intensément depuis quelques mois nous avons surtout découvert beaucoup de choses et réalisé à quel point nos connaissances, à l’image de la chaîne décisionnaire sur ces questions, était morcelée. Les chiffres alarmants sur la baisse quantitative et qualitative de la ressource en eau et l’apparente faiblesse des moyens mis en œuvre pour remédier à cet état de fait nous ont causé quelques vertiges et renforcé notre désir de se donner les moyens, à l’échelle du bassin-versant, d’agir avec conséquence sur la situation. Les temps d’échanges que nous avons pu avoir avec des groupes et des mobilisations en cours ailleurs sur le bassin-versant Vienne-Loire – comme la lutte populaire contre les projets de « méga-bassines » dans la Vienne ou le Marais Poitevin – ou encore ailleurs, nous ont fait sentir que nous sommes loin d’être seul.e.s et que des foyers de lutte et d’actions concrètes existent un peu partout. Que ces foyers en réunissant leurs connaissances, leurs moyens, peuvent contribuer à renforcer la conscience collective du bassin-versant (de la source à l’estuaire…), de son caractère vital, de la nécessité de le défendre avec ardeur face à toute autre considération qui viserait à minorer plus longtemps son importance pour notre survie commune.
Pour commencer, nous vous invitons à nous rejoindre pour un tour d’horizon des pistes de recherche et d’actions locales que ce travail d’enquête populaire a nourri, lors de la fête de la Montagne Limousine à la fin de ce mois à Gentioux-Pigerolles. Des réunions publiques seront ensuite organisées dans les différentes communes de la tête de bassin tout au long de l’hiver et au printemps. Enfin le groupe travaille à la réalisation d’une brochure de synthèse sur l’état de la situation et les pistes pour agir depuis ici.
Tout reste à faire et personne ne le fera à notre place!
Toutes et tous au fil de l’eau du 31 mai au 12 juin 2021 entre les sources et la confluence avec la maulde!
Nous sommes un petit groupe d’habitant.e.s investi.e.s dans le « groupe eau » du Syndicat de la Montagne Limousine et dans les Fêtes de la Montagne Limousine depuis plusieurs années, et nous avons commencé à réfléchir à l’idée d’organiser une fête du haut bassin-versant de la Vienne ce printemps. Une occasion de faire le point sur l’état de la ressource en eau sur le territoire et sur les questions qui animent les habitant.e.s, usagers et usagères du bassin versant.
Cette fête prendra la forme d’un événement public itinérant, depuis les sources de la Vienne entre Saint-Setier et Peyrelevade, en suivant ses différents affluents, jusqu’à Saint Denis des Murs où la Maulde rejoint la Vienne. Ce sera à la fois une fête populaire et un moment de rencontres et de débats autour des différents enjeux qui touchent le bassin versant, à savoir: la qualité de l’eau, des sols, de la biodiversité, la qualité de vie des habitants du bassin,les régies, l’hydro-électricité, les enjeux économiques également. Nous pensons à un événement « perlé » (comme une série de petits événements plutôt qu’un gros rassemblement), qui descendra progressivement en suivant la rivière et ses affluents; ce qui permettra d’éviter les effets de trop grande concentration humaine et de limiter les risques sanitaires. Cela s’étalera sur une dizaine de jours et mêlera des événements d’envergures très différentes : une projection ici, une balade naturaliste là, une table ronde, une exposition, une visite d’ouvrage, un spectacle, une descente en kayak, un témoignage, des débats…
L’eau ne connaît pas sur son passage de limites administratives, elle se fiche des limites de propriété. Quand elle disparaît, quand les sources se tarissent nous sommes tous et toutes également touché.e.s, tant émotionnellement que physiquement. Nous le sentons venir déjà: la question de la ressource en eau est le sujet brûlant des années qui viennent. Sur le chemin de cette prise de conscience (« l’eau pourrait ne plus couler de source ») de nombreux conflits d’usage vont naître et bruissent déjà. Nous pouvons anticiper ces terrains de conflit, anticiper les conséquences désastreuses des pénuries d’eau et de la hausse des températures, à notre très petite échelle peut-être autant voire plus que dans les grandes réunions internationales.
L’eau et par elle, le bassin-versant qui nous traverse et que nous traversons chaque jour nous lie envers et contre tout. Nous pensons qu’il faut sortir les enjeux économiques, patrimoniaux, sanitaires, écologiques, énergétiques, symboliques de la gestion de l’eau des tiroirs institutionnels où ils reposent, les mettre sur la place publique, produire ensemble une conscience commune du bassin-versant, de ce qu’il y faut permettre, de ce qu’il y faut proscrire, de ce qu’il y faut défendre.
Cette fête pourrait être un carrefour pour nous toutes et tous qui habitons ici et une manière de ne plus laisser traîner les questions brûlantes : l’eau du robinet, la ressource piscicole, la faune et la flore, l’état des sols, le rôle des forêts, des pratiques d’élevage et d’exploitation du bois, l’énergie hydro-électrique, la santé…
Des traces filmées, audio et graphiques de chacun des évènements permettront de garder mémoire de ces moments et de les partager avec toutes celles et ceux qui n’auront pas pu venir ou qui se posent des questions similaires ailleurs.
Faisons de la tête de bassin de la Vienne le fil conducteur de nos débats et de nos coopérations à venir.
A très bientôt,
Le « groupe Eau » au sein du Syndicat de la Montagne Limousine et d’autres amoureux et amoureuses de la vallée de la Vienne, de la Maulde, de la rivière de Lacelle, du Dorat, de la Feuillade, de la Chandouille, du Menoueix et tous les autres…
Le programme sera bouclé le 30 avril prochain. Des étapes sont d’ores et déjà prévues ou à l’étude à Peyrelevade, Tarnac, Rempnat, Faux-la-Montagne, Lacelle, La Villedieu, Saint-Martin Château, Gentioux, Royères de Vassivière, Nedde, Eymoutiers, Peyrat-le-Château, Saint Amand le Petit…
La prochaine réunion de coordination aura lieu le 30 avril à Faux-la-Montagne à 16h.
Pour toute proposition et se tenir au courant des rendez-vous de préparation :
« L’énergie produite par les éoliennes industrielles est propre. C’est une énergie zéro carbone. »
De quoi est constituée une éolienne industrielle ? Elle contient un certain nombre de métaux.
Des terres rares
C’est un groupe de 17 métaux très utilisés dans les technologies dites vertes : les voitures électriques, les panneaux solaires et les éoliennes, ainsi que dans les écrans des ordinateurs, téléviseurs, smartphones et tablettes. Ils sont présents sur les tous les continents mais de façon assez diluée dans les gisements d’où leur nom.
En ce qui concerne les éoliennes, on trouve des terres rares dans les aimants du rotor, la pièce qui fait tourner les pales. Leur utilisation dans les machines terrestres est aujourd’hui en réduction mais on les trouve en très grande quantité (des centaines de tonnes par machine) pour l’éolien en mer, en plein essor.
La Chine est en position ultra dominante sur le marché puisqu’elle fournit environ 90% de la demande mondiale. Ces métaux sont essentiellement extraits au nord du pays dans la région de Baotou en Mongolie intérieure. L’extraction minière y entraîne des rejets chimiques dans l’air, les cours d’eau et les sols, intoxiqués par les métaux lourds et la radioactivité. Pour les personnes qui travaillent dans ces mines, c’est une catastrophe : elles ont perdu leurs terres et bien souvent la santé, le village de Dalahaï qui jouxte les mines est surnommé « la ville du cancer »…
Du cuivre, plusieurs tonnes par génératrice
Là aussi il faut parler des destructions causées par son extraction. Prenons l’exemple de la mine de Chuquicamata au Chili dont le cas est vraiment révélateur des mensonges liées aux énergies vertes et à la transition énergétique. C’est la plus grande mine à ciel ouvert du monde, un trou de 4km de diamètre et d’un km de profondeur, des camions chargés de tonnes de minerais en sortent 365 jours par an, 24h/24. Située dans un des déserts les plus arides de la planète, on y achemine d’immenses quantités d’eau nécessaires au traitement du métal (environ 200l/seconde). L’électricité nécessaire à la mine est produite à 300km de là par… une centrale à charbon, lui même extrait en Colombie ou en Nouvelle Zélande. Cette centrale à charbon est exploitée par Engie, le « leader de la transition zéro carbone » comme il aime à se présenter. La demande et donc l’extraction de ce métal sont en très forte augmentation, en raison de la prolifération des appareils électriques et autres objets connectés : il faut du cuivre pour la fabrication des appareils électriques, il en faut également pour tous les câbles des réseaux de transport et de distribution.
De l’acier (500t/machine), de l’aluminium (20t/machine) et quantité de métaux moins rares
Leur extraction engendre les mêmes problèmes : production d’énergie polluante et intoxication liée aux rejets d’eaux contaminées.
L’industrie éolienne est bel et bien une industrie minière.
L’exemple de la mine de cuivre et d’or de Grasberg, en Indonésie. Exploitée par la compagnie américaine Freeport-McMoRan , contestée et attaquée par les ouvriers et les habitants expropriés de leurs terres, protégée par la répression implacable des services de sécurité privée et des milliers de militaires indonésiens concentrés sur place :
vue de loin
vue de près
vue de très près
Malgré cette réalité, cette industrie est présentée comme décarbonée, c’est-à-dire qu’elle n’émettrait pas de rejet de CO2 (dioxyde de carbone) dans l’atmosphère. C’est la communication de l’État, d’EDF et de tous les industriels du secteur. C’est clairement un mensonge, seulement le dégagement de CO2 n’est pas visible au pied des éoliennes… Le dégagement de CO2 a lieu ailleurs, plus loin, souvent dans les anciens empires coloniaux européens où les grands groupes industriels et financiers continuent de régner.
« Objectif zéro carbone ». Disons aussi un mot de cette expression aujourd’hui répandue… La réduction de toute activité, de toute production, à un équivalent carbone ne fait qu’accentuer notre mise à distance du monde. Ce langage est un langage de laboratoire, une vision d’ingénieur et de technocrate, une abstraction dénuée de relation sensible à la nature. Qui connaît le carbone ? Nous connaissons le bois, le charbon, le gaz, le pétrole… Nous les connaissons par nos sens directement, nous en connaissons l’odeur, la couleur ou la consistance, nous savons d’où ils viennent, nous savons qu’ils sont le résultat des forces de vie et du temps.
Le carbone étant l’élément de base de toute forme de vie matérielle sur Terre, il est à craindre que « l’objectif zéro carbone » affiché par tous les plus gros pollueurs de la planète se réalise littéralement…
« L’éolien est une alternative au nucléaire »
C’est un argument qui revient très fréquemment chez les défenseurs de l’éolien et l’on nous accuse : « Vous êtes contre l’éolien, alors vous êtes pour le nucléaire ! ».
Rappelons tout de même que la nucléarisation de la France a été imposée de manière absolument autoritaire, sans information ni débat, sans prise en compte des critiques et nombreuses luttes d’opposition. Le choix du nucléaire n’a jamais fait l’objet d’une consultation populaire et il est peu probable qu’en ce cas il y ait un réel élan pour. Aujourd’hui, plus d’un demi siècle après l’imposition des premiers réacteurs, après Tchernobyl, après Fukushima, il n’y a guère que les militaires et les industriels pour soutenir franchement l’industrie nucléaire.
Donc non, nous ne sommes pas pour le nucléaire.
Par contre ceux qui développent l’éolien, oui !
EDF présente ainsi sa stratégie : « le mix énergétique repose sur une complémentarité entre le nucléaire et les énergies renouvelables», les énergies renouvelables étant considérées comme «intermittentes » quand le nucléaire est qualifié d’ « énergie de base, régulière et flexible ». EDF continue à investir massivement dans la construction de nouveaux réacteurs (EPR de Flamanville dans la Manche, centrale d’Hinkley point au Royaume-Uni, etc.). L’objectif de faire baisser la part du nucléaire à 50% (actuellement 75%) a été repoussé de 2025 à 2035 par E. Macron reconnaissant qu’il n’y a « pas de tabous sur le sujet » de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en France.
Nous ne sommes pas dans une situation de choix entre le nucléaire ou l’éolien. Si nous les laissons faire, nous aurons le nucléaire et l’éolien… et l’hydroélectrique, le solaire, la méthanisation… et tout ce qu’il reste à extraire de pétrole, de gaz et de charbon…
« Les centrales éoliennes sont une nécessité pour la transition énergétique »
Le mensonge est qu’il y a une transition énergétique.
Et que le développement acharné des éoliennes et de l’ensemble des énergies renouvelables participe d’un changement social. Le terme de transition induit l’idée qu’il y aurait une certaine prise de conscience politique et des orientations nouvelles, les technocrates et les industriels seraient aujourd’hui convaincus des ravages produits par l’exploitation et l’appropriation du vivant, et devenus vertueux. Repentis, ils s’engageraient dans une voie moins destructrice, un modèle résilient, respectueux de l’environnement. Évidemment, c’est une blague. La conquête et l’accaparement sont toujours les principaux moteurs de l’économie et le mot d’ordre demeure inchangé : extraire, produire, vendre.
C’est ce mensonge qui est aujourd’hui le discours dominant, le programme partout asséné et présenté non comme un choix politique mais comme une nécessité historique évidente et indiscutable.
Force musculaire des humains, des animaux de trait, charbon, vapeur, pétrole, gaz, nucléaire, énergie hydraulique, éolienne, solaire… l’histoire des différentes énergies mises au service de la production économique n’est pas une histoire de transition mais bien d’accumulation. Il n’est pas question d’abandonner certaines sources trop polluantes au profit d’autres jugées propres, mais bien de faire feu de tout bois et d’extraire toujours plus, toujours plus profond, toujours plus loin.
Prenons le cas de l’entreprise Engie. Issu de la fusion de GDF et Suez, c’est en France le premier opérateur en énergie éolienne. L’État français en est le principal actionnaire et décisionnaire. C’est aussi le 3ème groupe mondial dans le secteur de l’énergie (hors pétrole) et un acteur important du nucléaire (en Belgique, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Arabie saoudite, Pologne, Turquie…), du gaz bien sûr, et du charbon (Amérique du sud, Australie).
En ce qui concerne les énergies dites renouvelables, Engie vante ses réalisations et ambitions :
« la biomasse, transformer les déchets de bois et les matières végétales en énergie l’éolien en mer, convertir la puissance des vents marins en énergie l’éolien terrestre, convertir le vent en énergie l’hydroélectricité, produire de l’électricité à partir des cours d’eau le solaire, concentrer les rayons du soleil sur des capteurs thermiques la géothermie marine, exploiter l’énergie thermique des fonds marins la géothermie terrestre, puiser la chaleur des eaux souterraines. »
Voilà le programme de la transition énergétique : tout doit être soumis à la nécessité économique. La planète Terre, ses forêts, ses fleuves, ses mers, le soleil et les vents ne sont que des usines en puissance, des unités de production économique…, des pièces de la machine.
« Nous avons besoin de plus d’énergie électrique »
La nécessité absolue d’électricité n’est jamais questionnée. Parce qu’elle au cœur de l’économie, des systèmes de production, on considère qu’elle est au cœur de nos existences et que nous en sommes absolument tributaires.
Quand elle s’est répandue dans les villes et les campagnes, on l’appelait la fée électricité : elle apportait la lumière, la radio, la machine à laver… Elle nous offrait un confort appréciable et nous dégageait de certaines corvées éprouvantes. Mais si on l’a qualifiée de fée, c’est aussi parce que le simple fait qu’actionner un interrupteur puisse éclairer les nuits, revêt un caractère magique : la production est dissimulée, l’ampoule s’allume mais nous ne voyons ni la centrale à charbon ni la mine de cuivre…
Si aujourd’hui nous passer complètement d’électricité n’est pas envisagé par nombre d’entre nous, vivre avec beaucoup, beaucoup, beaucoup moins d’électricité apparaît en revanche largement possible, c’est même une perspective assez réjouissante. Nos vies modernes sont beaucoup trop soumises à l’électricité, encombrées de robots, de gadgets et de câbles qui, au lieu de nous faire gagner en confort, nous font perdre temps, argent, savoirs-faire et autonomie.
Une panne un peu prolongée sèmerait un chaos indescriptible dans les villes et même dans les campagnes, tant le mode de vie contemporain est subordonné à l’électricité. Une panne un peu prolongée pourrait aussi être l’occasion de retrouver des vies plus simples, plus conviviales, plus communes…
La transition, en projet et en marche, aggrave la dépendance électrique avec l’explosion de la consommation d’internet, encouragée par le développement velléitaire du télétravail et de la technologie 5G, la prolifération des objets connectés. Ce qui est dessiné, c’est un monde entièrement soumis à l’ordre électrique des réseaux intelligents.
Quelques uns de ces dessins : les promesses excitantes d’un certain futur par les publicitaires des réseaux intelligents (smart grids) :
« Le vent est un gisement énergétique »
« Le vent est un gisement énergétique », ou bien « les gaz de schiste sont des tas d’or sur lesquels nous sommes assis »… C’est cette vision du monde, cette pratique du monde, qui est constitutive du capitalisme. Les humains réduits à l’esclavage ou au salariat, les animaux d’élevage destiné au travail ou à l’alimentation, les plantations de forêts, les grandes monocultures intensives, les gaz, les minéraux, les forces des rivières, du soleil, des vents… c’est la totalité des êtres de nature qui est mobilisée au profit du capital. Cette logique d’exploitation, d’appropriation est le fondement de l’économie. Et l’économie n’est pas une structure inhérente à toute organisation sociale, une nécessité historique, l’économie est une politique, avec son programme et ses militants, c’est la politique du capital. Elle implique que tout ait une place, un rôle, en terme de production, que la vie, sous toutes ses formes soit embrigadée et mise à sa disposition. Tout est à exploiter, tout est à vendre, tout est à acheter…, enfin tout a une valeur.
Les destructions entraînées par cette politique atteignent aujourd’hui un stade critique. Il fut un temps où il fallait farouchement argumenter pour convaincre que « les choses ne peuvent pas continuer comme ça », ce n’est aujourd’hui plus le cas : tout le monde sait qu’il y a quelque chose qui cloche. Et que c’est grave. L’étendue des dégâts est telle que l’on ne sait par où commencer pour peindre le désastre : les méga feux, la disparition des oiseaux, les sécheresses et les famines qui jettent des millions de migrants sur les routes, la pandémie de cancers, le continent de plastique, les ours blancs qui font les poubelles… Les ravages occasionnés sont désormais évidents pour tous et ils sont tels que le renouvellement des êtres vivants et de leur milieux de vies est devenu impossible. La nature ne se régénère pas assez vite pour le capitalisme, là est la crise actuelle. Mais cela n’empêche pas les militants de l’économie de se lancer à la conquête de nouveaux territoires, de relever de nouveaux défis : ils travaillent déjà à l’extraction minière sur des astéroïdes ou sur la Lune…
Cette appropriation généralisée, de nos vies et de la Vie, est ce que nous refusons. L’opposition à l’invasion d’Amazon, aux cultures transgéniques, aux éoliennes, aux élevages concentrationnaires d’animaux, les luttes féministes, décoloniales, sociales, toutes ces résistances expriment un même refus : le refus de la mise au travail des humains et de tous les êtres de nature au service de l’économie. Le formuler ainsi permet, il nous semble, de clarifier la situation, la ligne de conflit et d’associer les résistances multiples et diverses pour envisager un horizon politique commun. Nous pouvons construire des alliances, des rencontres entre des luttes qui pourraient sembler particulières, locales et éloignées les unes des autres. Cela nous amène aussi à réhabiliter la force émancipatrice du refus. Quand nous nous opposons à tous ces projets destructeurs, certains nous reprochent d’être « anti-tout », mais quel est ce « tout » ? Bien mal nommé, il est ce qui épuise la vie, ce qui fait avancer le désert et ce qui vide le monde. Au contraire notre refus est un mouvement de libération, un élan radicalement vital.
Non, les vents ne sont pas un gisement, une ressource encore disponible pour les profits du capital. Ils sont une part de la vie, nous leur avons donné des noms, nous avons appris à naviguer avec eux sur les océans, ils transportent les semences des arbres et sculptent les rochers…
Sur l’isthme de Tehuantepec au sud du Mexique, les peuples en lutte contre les parcs éoliens, la corruption et les paramilitaires qui les accompagnent : « Non au projet éolien » « La terre, la mer et le vent ne sont pas à vendre, mais à aimer et à défendre ! » « Vive la lutte des peuples, à bas le mauvais gouvernement ! »
Fin 2004, 6 éoliennes de 100m de hauteur ont été installées sur les hauteurs de Peyrelevade (19). Réalisée à l’initiative de la commune à une époque où les campagnes semblaient encore à l’abri des promoteurs de l’éolien industriel, l’installation, dont la production équivaut à la réalité d’une demande énergétique locale, n’a pas suscité de mouvement de refus, le site a même depuis acquis un certain caractère pittoresque. Mais il faut reconnaître que si ces éoliennes ci sont acceptées par la population, c’est précisément parce qu’elles demeurent une exception sur le territoire.
Aujourd’hui la situation sur la montagne limousine et ses abords est toute autre. La carte présentée ici nous donne un aperçu des implantations envisagées : la quantité de machines en projet est considérable et leur installation entraînerait un changement radical du territoire et de ses paysages. Il faut envisager les travaux de piste, d’enfouissement des câbles, les bruits incessants des pales, les signaux lumineux et l’impossibilité de simplement regarder au loin sans qu’une de ces machines géantes (jusque 240m de haut) ne s’immisce dans notre champ de vision, nous rappelant que l’économie entend mettre à son service chaque parcelle de cette Terre, chaque recoin de ce monde.
La grande majorité des projets éoliens en Limousin suscite des oppositions locales vives, les habitants n’étant prêts à accepter ni les méthodes brutales des promoteurs, ni le saccage de leur territoire. Des collectifs locaux s’organisent pour trouver l’ensemble des informations, la diffuser largement auprès de la population, faire pression sur les élus des conseils municipaux, du Parc Naturel Régional, sur les préfectures qui restent les ultimes décisionnaires. Leurs actions ont déjà permis de faire échouer certains projets, elles permettent également de mettre la question de l’éolien industriel au centre du débat politique local et d’amener une réelle réflexion sur notre rapport à l’énergie, réflexion indispensable si nous entendons sortir de l’ impasse où le système capitaliste nous a menés. Les contacts de ces collectifs sont visibles sur la carte ci-dessous.