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Quelques mensonges de l’éolien industriel et de la transition énergétique

« L’énergie produite par les éoliennes industrielles est propre. C’est une énergie zéro carbone. »

De quoi est constituée une éolienne industrielle ? Elle contient un certain nombre de métaux.

  • Des terres rares

C’est un groupe de 17 métaux très utilisés dans les technologies dites vertes : les voitures électriques, les panneaux solaires et les éoliennes, ainsi que dans les écrans des ordinateurs, téléviseurs, smartphones et tablettes. Ils sont présents sur les tous les continents mais de façon assez diluée dans les gisements d’où leur nom.

En ce qui concerne les éoliennes, on trouve des terres rares dans les aimants du rotor, la pièce qui fait tourner les pales. Leur utilisation dans les machines terrestres est aujourd’hui en réduction mais on les trouve en très grande quantité (des centaines de tonnes par machine) pour l’éolien en mer, en plein essor.

La Chine est en position ultra dominante sur le marché puisqu’elle fournit environ 90% de la demande mondiale. Ces métaux sont essentiellement extraits au nord du pays dans la région de Baotou en Mongolie intérieure. L’extraction minière y entraîne des rejets chimiques dans l’air, les cours d’eau et les sols, intoxiqués par les métaux lourds et la radioactivité. Pour les personnes qui travaillent dans ces mines, c’est une catastrophe : elles ont perdu leurs terres et bien souvent la santé, le village de Dalahaï qui jouxte les mines est surnommé « la ville du cancer »…

  • Du cuivre, plusieurs tonnes par génératrice

Là aussi il faut parler des destructions causées par son extraction. Prenons l’exemple de la mine de Chuquicamata au Chili dont le cas est vraiment révélateur des mensonges liées aux énergies vertes et à la transition énergétique. C’est la plus grande mine à ciel ouvert du monde, un trou de 4km de diamètre et d’un km de profondeur, des camions chargés de tonnes de minerais en sortent 365 jours par an, 24h/24. Située dans un des déserts les plus arides de la planète, on y achemine d’immenses quantités d’eau nécessaires au traitement du métal (environ 200l/seconde). L’électricité nécessaire à la mine est produite à 300km de là par… une centrale à charbon, lui même extrait en Colombie ou en Nouvelle Zélande. Cette centrale à charbon est exploitée par Engie, le « leader de la transition zéro carbone » comme il aime à se présenter. La demande et donc l’extraction de ce métal sont en très forte augmentation, en raison de la prolifération des appareils électriques et autres objets connectés : il faut du cuivre pour la fabrication des appareils électriques, il en faut également pour tous les câbles des réseaux de transport et de distribution.

  • De l’acier (500t/machine), de l’aluminium (20t/machine) et quantité de métaux moins rares

Leur extraction engendre les mêmes problèmes : production d’énergie polluante et intoxication liée aux rejets d’eaux contaminées.

L’industrie éolienne est bel et bien une industrie minière.

L’exemple de la mine de cuivre et d’or de Grasberg, en Indonésie. Exploitée par la compagnie américaine Freeport-McMoRan , contestée et attaquée par les ouvriers et les habitants expropriés de leurs terres, protégée par la répression implacable des services de sécurité privée et des milliers de militaires indonésiens concentrés sur place :

Malgré cette réalité, cette industrie est présentée comme décarbonée, c’est-à-dire qu’elle n’émettrait pas de rejet de CO2 (dioxyde de carbone) dans l’atmosphère. C’est la communication de l’État, d’EDF et de tous les industriels du secteur. C’est clairement un mensonge, seulement le dégagement de CO2 n’est pas visible au pied des éoliennes… Le dégagement de CO2 a lieu ailleurs, plus loin, souvent dans les anciens empires coloniaux européens où les grands groupes industriels et financiers continuent de régner.

« Objectif zéro carbone ». Disons aussi un mot de cette expression aujourd’hui répandue… La réduction de toute activité, de toute production, à un équivalent carbone ne fait qu’accentuer notre mise à distance du monde. Ce langage est un langage de laboratoire, une vision d’ingénieur et de technocrate, une abstraction dénuée de relation sensible à la nature. Qui connaît le carbone ? Nous connaissons le bois, le charbon, le gaz, le pétrole… Nous les connaissons par nos sens directement, nous en connaissons l’odeur, la couleur ou la consistance, nous savons d’où ils viennent, nous savons qu’ils sont le résultat des forces de vie et du temps.

Le carbone étant l’élément de base de toute forme de vie matérielle sur Terre, il est à craindre que « l’objectif zéro carbone » affiché par tous les plus gros pollueurs de la planète se réalise littéralement…

« L’éolien est une alternative au nucléaire »

C’est un argument qui revient très fréquemment chez les défenseurs de l’éolien et l’on nous accuse : «  Vous êtes contre l’éolien, alors vous êtes pour le nucléaire ! ».

Rappelons tout de même que la nucléarisation de la France a été imposée de manière absolument autoritaire, sans information ni débat, sans prise en compte des critiques et nombreuses luttes d’opposition. Le choix du nucléaire n’a jamais fait l’objet d’une consultation populaire et il est peu probable qu’en ce cas il y ait un réel élan pour. Aujourd’hui, plus d’un demi siècle après l’imposition des premiers réacteurs, après Tchernobyl, après Fukushima, il n’y a guère que les militaires et les industriels pour soutenir franchement l’industrie nucléaire.

Donc non, nous ne sommes pas pour le nucléaire.

Par contre ceux qui développent l’éolien, oui !

EDF présente ainsi sa stratégie : « le mix énergétique repose sur une complémentarité entre le nucléaire et les énergies renouvelables », les énergies renouvelables étant considérées comme «intermittentes » quand le nucléaire est qualifié d’ « énergie de base, régulière et flexible ». EDF continue à investir massivement dans la construction de nouveaux réacteurs (EPR de Flamanville dans la Manche, centrale d’Hinkley point au Royaume-Uni, etc.). L’objectif de faire baisser la part du nucléaire à 50% (actuellement 75%) a été repoussé de 2025 à 2035 par E. Macron reconnaissant qu’il n’y a « pas de tabous sur le sujet » de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en France.

Nous ne sommes pas dans une situation de choix entre le nucléaire ou l’éolien. Si nous les laissons faire, nous aurons le nucléaire et l’éolien… et l’hydroélectrique, le solaire, la méthanisation… et tout ce qu’il reste à extraire de pétrole, de gaz et de charbon…

« Les centrales éoliennes sont une nécessité pour la transition énergétique »

Le mensonge est qu’il y a une transition énergétique.

Et que le développement acharné des éoliennes et de l’ensemble des énergies renouvelables participe d’un changement social. Le terme de transition induit l’idée qu’il y aurait une certaine prise de conscience politique et des orientations nouvelles, les technocrates et les industriels seraient aujourd’hui convaincus des ravages produits par l’exploitation et l’appropriation du vivant, et devenus vertueux. Repentis, ils s’engageraient dans une voie moins destructrice, un modèle résilient, respectueux de l’environnement. Évidemment, c’est une blague. La conquête et l’accaparement sont toujours les principaux moteurs de l’économie et le mot d’ordre demeure inchangé : extraire, produire, vendre.

C’est ce mensonge qui est aujourd’hui le discours dominant, le programme partout asséné et présenté non comme un choix politique mais comme une nécessité historique évidente et indiscutable.

Force musculaire des humains, des animaux de trait, charbon, vapeur, pétrole, gaz, nucléaire, énergie hydraulique, éolienne, solaire… l’histoire des différentes énergies mises au service de la production économique n’est pas une histoire de transition mais bien d’accumulation. Il n’est pas question d’abandonner certaines sources trop polluantes au profit d’autres jugées propres, mais bien de faire feu de tout bois et d’extraire toujours plus, toujours plus profond, toujours plus loin.

Prenons le cas de l’entreprise Engie. Issu de la fusion de GDF et Suez, c’est en France le premier opérateur en énergie éolienne. L’État français en est le principal actionnaire et décisionnaire. C’est aussi le 3ème groupe mondial dans le secteur de l’énergie (hors pétrole) et un acteur important du nucléaire (en Belgique, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Arabie saoudite, Pologne, Turquie…), du gaz bien sûr, et du charbon (Amérique du sud, Australie).

En ce qui concerne les énergies dites renouvelables, Engie vante ses réalisations et ambitions :

« la biomasse, transformer les déchets de bois et les matières végétales en énergie
l’éolien en mer, convertir la puissance des vents marins en énergie
l’éolien terrestre, convertir le vent en énergie
l’hydroélectricité, produire de l’électricité à partir des cours d’eau
le solaire, concentrer les rayons du soleil sur des capteurs thermiques
la géothermie marine, exploiter l’énergie thermique des fonds marins
la géothermie terrestre, puiser la chaleur des eaux souterraines. »

Voilà le programme de la transition énergétique : tout doit être soumis à la nécessité économique. La planète Terre, ses forêts, ses fleuves, ses mers, le soleil et les vents ne sont que des usines en puissance, des unités de production économique…, des pièces de la machine.

« Nous avons besoin de plus d’énergie électrique »

La nécessité absolue d’électricité n’est jamais questionnée. Parce qu’elle au cœur de l’économie, des systèmes de production, on considère qu’elle est au cœur de nos existences et que nous en sommes absolument tributaires.

Quand elle s’est répandue dans les villes et les campagnes, on l’appelait la fée électricité : elle apportait la lumière, la radio, la machine à laver… Elle nous offrait un confort appréciable et nous dégageait de certaines corvées éprouvantes. Mais si on l’a qualifiée de fée, c’est aussi parce que le simple fait qu’actionner un interrupteur puisse éclairer les nuits, revêt un caractère magique : la production est dissimulée, l’ampoule s’allume mais nous ne voyons ni la centrale à charbon ni la mine de cuivre…

Si aujourd’hui nous passer complètement d’électricité n’est pas envisagé par nombre d’entre nous, vivre avec beaucoup, beaucoup, beaucoup moins d’électricité apparaît en revanche largement possible, c’est même une perspective assez réjouissante. Nos vies modernes sont beaucoup trop soumises à l’électricité, encombrées de robots, de gadgets et de câbles qui, au lieu de nous faire gagner en confort, nous font perdre temps, argent, savoirs-faire et autonomie.

Une panne un peu prolongée sèmerait un chaos indescriptible dans les villes et même dans les campagnes, tant le mode de vie contemporain est subordonné à l’électricité. Une panne un peu prolongée pourrait aussi être l’occasion de retrouver des vies plus simples, plus conviviales, plus communes

La transition, en projet et en marche, aggrave la dépendance électrique avec l’explosion de la consommation d’internet, encouragée par le développement velléitaire du télétravail et de la technologie 5G, la prolifération des objets connectés. Ce qui est dessiné, c’est un monde entièrement soumis à l’ordre électrique des réseaux intelligents.

Quelques uns de ces dessins : les promesses excitantes d’un certain futur par les publicitaires des réseaux intelligents (smart grids) :

« Le vent est un gisement énergétique »

« Le vent est un gisement énergétique », ou bien « les gaz de schiste sont des tas d’or sur lesquels nous sommes assis »… C’est cette vision du monde, cette pratique du monde, qui est constitutive du capitalisme. Les humains réduits à l’esclavage ou au salariat, les animaux d’élevage destiné au travail ou à l’alimentation, les plantations de forêts, les grandes monocultures intensives, les gaz, les minéraux, les forces des rivières, du soleil, des vents… c’est la totalité des êtres de nature qui est mobilisée au profit du capital. Cette logique d’exploitation, d’appropriation est le fondement de l’économie. Et l’économie n’est pas une structure inhérente à toute organisation sociale, une nécessité historique, l’économie est une politique, avec son programme et ses militants, c’est la politique du capital. Elle implique que tout ait une place, un rôle, en terme de production, que la vie, sous toutes ses formes soit embrigadée et mise à sa disposition. Tout est à exploiter, tout est à vendre, tout est à acheter…, enfin tout a une valeur.

Les destructions entraînées par cette politique atteignent aujourd’hui un stade critique. Il fut un temps où il fallait farouchement argumenter pour convaincre que « les choses ne peuvent pas continuer comme ça », ce n’est aujourd’hui plus le cas : tout le monde sait qu’il y a quelque chose qui cloche. Et que c’est grave. L’étendue des dégâts est telle que l’on ne sait par où commencer pour peindre le désastre : les méga feux, la disparition des oiseaux, les sécheresses et les famines qui jettent des millions de migrants sur les routes, la pandémie de cancers, le continent de plastique, les ours blancs qui font les poubelles… Les ravages occasionnés sont désormais évidents pour tous et ils sont tels que le renouvellement des êtres vivants et de leur milieux de vies est devenu impossible. La nature ne se régénère pas assez vite pour le capitalisme, là est la crise actuelle. Mais cela n’empêche pas les militants de l’économie de se lancer à la conquête de nouveaux territoires, de relever de nouveaux défis : ils travaillent déjà à l’extraction minière sur des astéroïdes ou sur la Lune…

Cette appropriation généralisée, de nos vies et de la Vie, est ce que nous refusons. L’opposition à l’invasion d’Amazon, aux cultures transgéniques, aux éoliennes, aux élevages concentrationnaires d’animaux, les luttes féministes, décoloniales, sociales, toutes ces résistances expriment un même refus : le refus de la mise au travail des humains et de tous les êtres de nature au service de l’économie. Le formuler ainsi permet, il nous semble, de clarifier la situation, la ligne de conflit et d’associer les résistances multiples et diverses pour envisager un horizon politique commun. Nous pouvons construire des alliances, des rencontres entre des luttes qui pourraient sembler particulières, locales et éloignées les unes des autres. Cela nous amène aussi à réhabiliter la force émancipatrice du refus. Quand nous nous opposons à tous ces projets destructeurs, certains nous reprochent d’être « anti-tout », mais quel est ce « tout » ? Bien mal nommé, il est ce qui épuise la vie, ce qui fait avancer le désert et ce qui vide le monde. Au contraire notre refus est un mouvement de libération, un élan radicalement vital.

Non, les vents ne sont pas un gisement, une ressource encore disponible pour les profits du capital. Ils sont une part de la vie, nous leur avons donné des noms, nous avons appris à naviguer avec eux sur les océans, ils transportent les semences des arbres et sculptent les rochers…

Sur l’isthme de Tehuantepec au sud du Mexique, les peuples en lutte contre les parcs éoliens, la corruption et les paramilitaires qui les accompagnent : « Non au projet éolien » « La terre, la mer et le vent ne sont pas à vendre, mais à aimer et à défendre ! » « Vive la lutte des peuples, à bas le mauvais gouvernement ! »