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le bois du chat et la face cachée de France Relance

Au départ cette question : comment est-il possible d’autoriser une coupe rase de feuillus dans une zone Natura 2000 ?
Natura 2000 permet de discuter avec les propriétaires forestiers et de leur proposer d’autres solutions, ce qui a récemment été fait avec succès, à Gentioux et Peyrelevade. Mais le dispositif ne constitue pas une réelle protection en France, dans la mesure où les directives européennes peuvent être adaptées différemment dans les États membres. Ceux-ci doivent toutefois rendre compte de l’usage qu’ils font de fonds européens.


De Tarnac à Bruxelles, une question prioritaire
C’est d’ailleurs sur l’absence de prise en compte par la France des règlements adoptés par l’Union Européenne que, le 28 février dernier, Philippe Lamberts, représentant du groupe des Verts à la Commission, a posé une question prioritaire et interpellé le gouvernement français sur son retard à mettre en œuvre ses engagements.
Cela concerne notamment la révision des Schémas Régionaux de Gestion Sylvicole en cours d’étude actuellement, un dossier que suit de près notre partenaire Canopée Forêts Vivantes. Dans ce dossier, le Bois du Chat, à Tarnac, est cité comme forêt risquant d’être remplacée par une plantation, une tendance qualifiée de « lourde » et « devant être découragée ».
Quelque temps plus tard, le ministre Christophe Béchu, en visite sur une commune de Gironde dévastée par les incendies en 2022, déclarait solennellement que les coupes rases ne devaient plus être financées… Preuve que parfois, se faire remonter les bretelles par l’Europe a un poids. Au moins sur les discours, attendons les actes.
Les élu·es du PNR ont proposé à la propriétaire du Bois du Chat un contrat Natura 2000 pour préserver ses parcelles pendant 30 ans moyennant une contrepartie financière de 45 000 €. Puis le même PNR, avec le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine alertée par Amandine Dewaele, conseillère régionale EELV, a fait une offre d’achat des parcelles, pour un montant de 100 000 €. Chaque fois la propriétaire a refusé.
Comment expliquer ce double refus ?
Y a-t-il eu un financement France Relance pour l’abattage de cette forêt, dont le montant serait supérieur à celui proposé par le PNR ? Renoncer à détruire sa forêt serait alors renoncer à toucher ce généreux financement…


France Relance : discours officiel et face cachée
France Relance est un plan de 200 milliards lancé en septembre 2020 et financé à 40 % par l’Union Européenne. Sur cette somme, 200 millions sont attribués au « reboisement des forêts françaises », afin de « lui permettre de jouer son rôle dans la transition écologique et l’atteinte de nos engagements de neutralité carbone à horizon 2050 ».
Alors que les abatteuses ne se sont jamais autant activées sur les massifs forestiers, on doit se demander ce que le ministère entend par là. Réponse sur la page d’accueil du site gouvernemental : « l’objectif est d’aider la forêt à s’adapter au changement climatique pour mieux l’atténuer ». Moyennant un investissement de 150 millions destinés à la régénération du peuplement forestier et à la filière bois, le ministère peut se targuer d’œuvrer pour la protection des forêts et de l’ensemble des activités qui lui sont liées :
« Cette mesure couvre 3 types d’interventions :

  • la reconstitution des peuplements sinistrés (notamment les forêts dans le Grand-Est et en Bourgogne-Franche-Comté qui ont subi d’importantes attaques de scolytes) ;
  • l’adaptation des peuplements vulnérables au changement climatique ;
  • l’amélioration des peuplements pauvres (taillis, mélanges taillis-futaies, accrus forestiers de faible valeur économique). »

Reprenons point par point.
évoquer les dégâts causés par les scolytes, c’est déjà être dans le déni. La cause de ces invasions est connue : la monoculture intensive de résineux. Plus on diversifie les peuplements forestiers, plus les parasites ont du mal à approcher les espèces qu’ils affectionnent pour s’y développer. Et mieux la forêt résiste.
En parlant des peuplements vulnérables le gouvernement essaie de vendre l’idée que les résineux, les plantations en ligne de Douglas avec des allées calculées pour le passage des engins, seront plus résistants que les feuillus.
Après le déni, le mensonge : les résineux souffrent des canicules successives et sont bien plus exposés aux incendies comme on l’a vu.
Et maintenant l’escroquerie : le motif réel de tout cela apparaît, lorsque sont évoqués « des peuplements pauvres, à faible valeur économique ». Oublié le beau discours sur la transition écologique. Le Douglas en monoculture est plus rentable à court terme.
Les aides de France Relance sont donc dévolues au remplacement des forêts dites « non rentables », celles qui abritent la biodiversité indispensable à la vie. On voit des propriétaires raser à blanc des forêts entières et détruire les sols pour toucher les aides qui leur permettront de « reboiser » avec des espèces soi-disant mieux adaptées. Quitte à déclarer des parcelles comme étant « en état de dépérissement » ou de prétendre qu’il faut abattre les chênes et les hêtres du Bois du Chat parce qu’ils sont trop vieux et ne résisteront pas à la sécheresse… Les fonds France Relance sont une catastrophe pour les forêts mais une aubaine pour les exploitants qui facturent successivement les coupes et les plantations.

Contact : boisduchat@riseup.net

Une procédure en cours
Devant l’absence de réponse du préfet sur une première requête, le refus de nous rencontrer, et sans assurance que la forêt ne sera pas sacrifiée, le Comité spontané de défense du Bois du Chat poursuit l’exploitant et le groupement forestier par un recours auprès du tribunal administratif. La procédure est en cours. Elle porte notamment sur la destruction d’habitats d’espèces protégées et le non respect des règles de franchissement du cours d’eau.