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« Il y avait des copain⋅es qui aidaient déjà des voisin⋅es »

Comment en êtes-vous arrivé⋅e·s à créer ce groupe d’entraide administrative et juridique ?

C’est peut-être le premier groupe qui s’est construit pendant les réflexions sur le Syndicat. Il y avait des copain⋅es qui aidaient déjà des voisin⋅es ou des ami⋅es qui étaient un peu perdu⋅es dans leurs papiers ou dans des démarches, d’où l’idée d’un groupe qui proposerait cette entraide plus largement. Nous nous sommes d’abord appuyé⋅es sur des associations connues des communes de Gentioux et de Faux-la-Montagne, ce qui nous a donné plus tard une légitimité quand nous avons décidé de présenter notre groupe à des municipalités. Dans un premier temps, nous n’avons assuré que des permanences à La Renouée, un tiers-lieu à Gentioux (une fois tous les quinze jours). Puis nous avons voulu que d’autres personnes qui ne seraient jamais venues à la Renouée puissent nous contacter et c’est là que nous avons envoyé des lettres à certaines mairies pour leur demander si elles seraient d’accord pour nous accueillir dans leurs locaux.

Nous avons ainsi pu assurer une permanence à Royère-de-Vassivière, en alternance avec la Renouée. Nous nous sommes retrouvé⋅es par hasard une fois à la médiathèque de Royère, et nous y sommes resté⋅es. Puis le Tiers lieu de Tarnac nous a ouvert ses portes, ainsi que le Café des Zenfants à Eymoutiers (C’est une association qui est principalement tournée vers les enfants et leurs parents). Constatant que nous avions les forces pour assurer une permanence par semaine (à deux, ce qui est important pour bien accueillir les personnes), sans que cela ne dépasse une fois par mois pour chacun⋅e, nous assurons donc une permanence à Gentioux, une à Royère-de-Vassivière, une à Tarnac et une à Eymoutiers.

Une permanence ça fonctionne comment ?

C’est le vendredi de 9h30 à 12h30 (plus ou moins selon les lieux). [Cette interview a été donnée en avril 2020. Depuis les lieux et horaires ont évolué.] Les permanences sont annoncées sur les listes internet de nos réseaux, quelquefois par des affiches… Les lieux qui nous accueillent diffusent aussi l’information à leurs adhérents, On a une adresse mail et un numéro de téléphone (répondeur). Et puis le Syndicat diffuse nos informations par une lettre d’information régulière. Les gens peuvent venir sans prévenir, ils peuvent aussi parler de leur situation soit par mail, soit en laissant un message sur le répondeur, auquel cas on les rappelle.

Il n’y a pas énormément de gens qui viennent, il nous est arrivé, au début, de n’avoir personne. Mais maintenant il y a quand même au moins une personne qui vient dans la matinée, des fois deux, des fois trois, ce qui finit quand même par faire du monde, à raison d’une permanence tous les quinze jours depuis plus d’un an et d’une permanence par semaine depuis cinq ou six mois.

Il y a peu d’appels, mais quand même quelques-uns. Dans ce cas, j’explique le problème de la personne sur notre liste de discussion interne, je demande à mes camarades ce qu’iels en pensent, et à ce moment-là je rappelle la personne ou je lui propose de venir à une permanence.

Qu’est-ce que vous parvenez à faire pour les gens ?

Quelqu’un par exemple qui voulait se faire rembourser son assurance pour sa voiture qui était sur cale, il avait fait tout ce qu’il fallait, ce que lui demandait l’assurance, mais l’assurance ne remboursait pas. Alors moi j’ai téléphoné à l’assureur, on m’a demandé qui j’étais, j’ai dit que j’étais une amie, et là comme par magie ils ont sorti le dossier, et le type a effectivement été remboursé.

Les gens qui viennent nous voir souvent ils sont pris dans des histoires pas possibles. Quand on a affaire à des grosses structures comme ça, on n’a jamais les mêmes personnes, on se fait renvoyer de l’un à l’autre. Que quelqu’un d’autre intervienne, ce simple fait là, ça change tout, ça débloque la situation.

Ça peut être tout type de problème : avec un syndic de copropriétaires, la CAF,… tout organisme pour lesquels on ne sait jamais à qui s’adresser car personne n’est vraiment responsable. Je suis désormais persuadée que c’est une politique. Les gens sont baladés de service en service jusqu’à ce qu’ils se lassent.

Une fois on a contacté un cabinet d’avocat qui nous a donné plein de contacts d’autres avocats susceptibles de débloquer des affaires. La c’était quelqu’un qui était devenu invalide suite à une opération chirurgicale. Mais il y a aussi des histoires liées à de la répression policière…

L’idée c’est de ne pas rester tout⋅e seul⋅e face à des choses plus grosses que soi, le pot de terre contre le pot de fer. On ne s’occupe pas des conflits entre personnes, ce n’est pas notre rôle.

Est-ce que vous avez une formation particulière ?

Non. On a quand même quelqu’un qui a une maîtrise en droit, une autre personne qui étudie aussi le droit, et moi-même j’ai fait une année de droit il y a longtemps. Nous sommes des personnes qui ne sont pas rebutées par le langage juridico-administratif, capables de se débrouiller dans ce genre de textes.

Une fois une personne est venue à la permanence : elle voulait s’assurer du sens exact d’un terme juridique alors on a cherché ensemble. Des fois c’est ça on se met juste à chercher avec les gens. On n’a pas de connaissances spéciales. Certain⋅es sont devenu⋅es pointu⋅es dans certains domaines mais la plupart du temps c’est plutôt au flair : sentir où il faut aller chercher. Écrire une lettre, aller sur internet…

Notre groupe s’appelle entraide : ce n’est donc pas de l’aide à sens unique, c’est plutôt horizontal : on s’entraide les uns les autres ! Quand on s’occupe d’un sujet, si on se penche dessus on finit par avoir des compétences. Et les gens qu’on aide finissent eux-mêmes par en avoir. Comme on n’a pas de compétence particulière à la base on se renseigne nous en même temps qu’on renseigne les gens. L’idée n’est pas d’arriver comme des sauveurs, mais juste en se disant que quand on n’est pas tout seul face à une situation qui nous dépasse, ça peut arriver à la changer complètement.

Et quand vous trouvez pas de solutions ?

On a contacté et eu une réunion avec des assistantes sociales, comme ça si jamais on a besoin de renvoyer des gens vers elles on se connaît et on sait à qui s’adresser. Et puis il y a le carnet de contact d’avocats qui couvre beaucoup de spécialités juridiques. Mais c’est assez rare qu’on les appelle finalement.

Notre groupe a eu un an au mois de février on n’a pas encore trop de vécu, et en plus au début ce n’était que deux fois par mois.

Comment vous avez réagi au confinement ?

Il y a eu une lettre d’info du Syndicat qui rappelait qu’on pouvait toujours appeler le téléphone ou nous écrire par mail. Et puis il y a des affiches du syndicat qui ont été faites spécialement pour le covid. Pour que les gens sachent que pendant cette période il ne fallait pas rester isolé⋅es. Il y a des numéros de téléphones, des contacts etc… Depuis le début du covid personne n’a appelé. Je ne sais pas pourquoi. Comme les gens sont confinés, ils ont d’autres soucis. Je ne sais pas ce qu’il se passe parce que les gens pourraient avoir des problèmes avec le RSA, le chômage… mais non. Peut-être que je dis des bêtises mais tout le monde a l’air de recevoir ses indemnités.

Je fais par ailleurs partie d’un fonds de dotation, qui a pour objectif de redistribuer les dons qu’il reçoit à des associations d’intérêt général, ou alors de faire des prêts relais pour des associations qui ont des problèmes de trésorerie le temps qu’elles reçoivent leurs subventions, qui souvent tardent à arriver. Mais là une association qui attendait une subvention a même reçu l’argent en avance ! C’est comme si l’État faisait attention à ne pas envenimer les choses… Peut-être même que les gens qui avaient des dettes sont laissés tranquilles pendant cette période… je ne sais pas… en tout cas un peu partout les gens se replient sur eux-mêmes. Beaucoup ne font leurs courses que très rarement alors qu’ils pourraient sortir plus souvent.

Nous avons également fait un appel pour demander aux gens s’ils ont des soucis financiers, ou des problèmes de verbalisation intempestive avec l’idée de rassembler des témoignages de gens qui ont été contrôlés, savoir comment ça s’est passé… Dans l’idée de faire des actions collectives. Nous avons déjà lancé cet appel sur les listes internet, mais pour le moment nous n’avons encore que très peu de retours. Ce qui est sûr c’est que dans la situation actuelle, s’il y a des dérives, quelles qu’elles soient, il faut vraiment que les gens se regroupent et se défendent !

Et pour la suite du groupe d’entraide vous envisagez quoi ?

Éventuellement d’aller dans d’autres communes. On aimerait surtout bien que ce genre de pratique d’entraide essaime. C’est tellement simple, il n’y a pas besoin de grand-chose, à part ne pas être rebuté par le langage juridique.

Merci !

(Article initialement paru en avril 2020 sur covid-entraide.fr)