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S’organiser pour l’accueil des exilé.es

Hébergement, activités, accompagnement, régularisation… Quels sont les meilleurs outils pour répondre à ces objectifs ? Voyage d’études et pistes concrètes.

Depuis 2016, la montagne limousine mobilisée

En 2016, le gouvernement français décide de détruire les camps de fortune de Calais dans lesquels des milliers d’exilé.e.s sont bloqués, survivant dans la plus grande précarité avec le fragile espoir d’une traversée vers le Royaume-Uni. Pour disperser les personnes expulsées de Calais, l’État ouvre des centres d’hébergement à travers tout le pays, et jusque sur la montagne limousine, notamment à Eymoutiers, Peyrelevade et Peyrat-le-château.

Dans le même temps des habitant.e.s s’organisent localement pour venir en aide à celles et ceux qui restent en situation irrégulière, isolés et démunis. À Eymoutiers, Faux-la-Montagne, Felletin, Peyrat-le-château, Peyrelevade, Royère-de-Vassivière et Tarnac, plusieurs associations se constituent. Au sein du groupe Exilé.es du Syndicat, elles partagent leurs expériences et réfléchissent à un projet commun : monter une structure à l’échelle du territoire pour améliorer et consolider l’accueil. Une piste se dessine : créer un OACAS.

OACAS, une entité juridique comme un outil possible

Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activités Solidaires. Les structures qui bénéficient de cet agrément peuvent accueillir toute personne, quelque soit sa situation administrative. Elles s’engagent à : proposer une forme de vie communautaire (temps partagés, repas en commun, etc), offrir des activités liées à l’économie sociale et solidaire (ressourcerie, agriculture, artisanat, etc.), accompagner les personnes accueillies (aide aux démarches administratives, apprentissage du français, soutien psychologique, etc.). Même s’il n’existe pas d’obligation légale, certains OACAS (notamment les communautés Emmaüs) versent une allocation communautaire d’environ 360 euros par mois et cotisent à l’Urssaf.

L’agrément OACAS (élaboré en 2008) a été taillé sur mesure pour les communautés Emmaüs (rejoindre le réseau Emmaüs y donne automatiquement accès) mais il n’est pas spécifiquement réservé à celles-ci. Une structure autonome peut devenir OACAS en faisant une demande directement auprès de la préfecture.

Après 3 années de séjour dans un OACAS, les résident.e.s peuvent déposer une demande de régularisation. L’obtention d’un titre de séjour n’est pas automatique et dépend toujours du bon vouloir des préfets, mais le séjour en OACAS est un atout majeur dans le processus.

Ce à quoi réfléchit le groupe Exilé.e.s est la création d’un OACAS diffus sur l’ensemble de la montagne limousine : une entité qui réunirait les lieux d’hébergement déjà existants et les associations proposant des activités comme la cuisine, l’agriculture, la boulangerie, la ressourcerie, la menuiserie, etc. Un tel projet est possible avec le soutien du Syndicat dans son ensemble et la mobilisation des groupes potentiellement concernés : entraide juridique, mobilité, agriculture, soutien psy, etc.

Rejoindre Emmaüs ?

Hiver 1954, des sans-logis meurent de froid dans les rues de France. L’abbé Pierre lance un appel à la solidarité pour venir en aide aux plus démunis. Depuis lors, des communautés ont vu le jour dans toute la France et au-delà, dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. En 1969, le manifeste universel du mouvement Emmaüs proclame en substance: « Notre but est d’agir pour que chaque homme, chaque société, chaque nation puisse vivre, s’affirmer et s’accomplir dans l’échange et le partage, ainsi que dans une égale dignité. Notre méthode consiste à créer, soutenir, animer des milieux dans lesquels tous, se sentant libres et respectés, puissent répondre à leurs propres besoins et s’entraider. »

Rejoindre le mouvement Emmaüs, c’est bien sûr partager ces valeurs et ces objectifs. C’est aussi bénéficier d’un appui matériel pour développer les possibilités d’accueil, de formation et pouvoir compter sur un large soutien populaire.

Au sein du groupe Exilé.e.s, les débats sont encore en cours : un OACAS ? Si oui, un OACAS au sein de la fédération Emmaüs ? Après plusieurs mois de réflexions, la décision devrait être prise cet automne.

Mai 2022, un voyage d’études dans le sud-est de la France

En mai dernier une quinzaine de membres du groupe Exilé.es est allée à la rencontre de différentes structures d’accueil en France. Une joyeuse expédition jusque dans la vallée de la Roya (où une ferme des Alpes maritimes a rejoint le réseau Emmaüs), avec notamment des étapes aux Restos du cœur Vogue la galère (Aubagne), au Mas de Granier (une coopérative Longo maï des Bouches-du-Rhône), à l’Après M (à Marseille, un ancien Mc Do récupéré par les salariés)…

Une délégation du groupe Exilé.es en visite dans la nouvelle communauté Emmaüs de la vallée de la Roya (06)

Au delà des contextes propres à chaque situation locale, on retrouve les mêmes objectifs : offrir un accueil digne, accompagner les personnes face aux difficultés administratives et souffrances psychiques, proposer des activités et formations émancipatrices, favoriser les chances de régularisation des exilé.e.s. Et pour toutes et tous, d’où que nous soyons, de quelque côté de la frontière que le hasard nous ait jeté, éprouver l’universalité de notre fragile condition humaine comme la force de notre solidarité.