entete

Ne pas tomber dans le piège de la division

Le « squat de la Villedieu » a été évacué, deux mois après une première tentative. Une opération qui pose question et ne résout rien.

À quel moment l’erreur est-elle devenue mensonge ? Le mensonge manipulation ? Et dans quel but ?
Car au départ il y a cela. Un arrêté d’expulsion signé par la préfecture de la Creuse. Concernant une « résidence secondaire ». Or la maison habitée depuis fin novembre par quelques personnes n’était pas une résidence secondaire mais bien un logement vacant vétuste. Les définitions officielles de l’Insee ne laissent aucune place au doute sur cette question. 1D’ailleurs s’il s’était agi réellement d’une résidence secondaire les forces de gendarmerie auraient joué un drôle de tour au propriétaire empêché d’aller passer le week-end dans sa maison par la pose d’une plaque anti-squat !
Cette fausse information a pourtant été largement répandue avec pour effet de heurter les esprits, répandre la peur (ma maison va-t-elle être squattée pendant que je fais les courses ?), diviser les populations et finalement troubler l’ordre public au lieu de l’apaiser.
La première tentative d’expulsion, le 5 décembre à 11 heures, avait tourné court. Ce n’était pas faute de moyens. Une dizaine de fourgons, une cinquantaine de gendarmes. Mais il s’agissait d’un bluff. Les bases légales de l’évacuation étaient insuffisantes. Quels éléments nouveaux ont bien pu légitimer la seconde ?
Celle-ci s’est déroulée à 6 heures du matin. L’exploit fut à la mesure de l’enjeu ! Une personne inoffensive a été sortie de son sommeil, emmenée à la gendarmerie de Felletin puis relachée mais sans se voir proposer de solution d’hébergement. Un 2 février. Et avec ses affaires restées à l’intérieur de la maison maintenant murée. Aucun problème ? La trêve hivernale ne s’applique pas aux squatteurs. Certains s’en réjouissent bruyamment sur les réseaux sociaux. Mais l’hiver est pourtant bien là !

Nombreuses questions

Quel préjudice peut donc invoquer un propriétaire absent depuis tant d’années ? N’a-t-il pas conservé toute liberté d’user, jouir et disposer de son bien ? Son titre de propriété a-t-il été remis en cause ? Son bien dégradé ? Au contraire, le logement vacant, inhabité depuis au moins 7 ans, en état de délabrement avancé, a été habité, aéré, chauffé, les volets clos ont été ouverts. Le lieu avait été baptisé « Le Calme » par ses habitant.es.
En admettant même que cette expulsion soit légale, toutes les pistes pour une solution amiable ont-elles sérieusement été explorées avant cette seconde intervention, lourde, coûteuse et traumatisante ?
Car les deux mois passés n’avaient pas été vains. Des liens amicaux s’étaient tissés. Les occupants avaient largement montré leur caractère pacifique. Les abords du Calme étaient restés impeccables. Les villageois, quels que soient leurs sentiments, les croisaient, leur parlaient, en discutaient entre eux. Une réunion d’habitants s’était organisée le 22 janvier pour libérer la parole, faire baisser la tension, rassurer, discuter. La question des logements vacants sur la commune revenait à l’ordre du jour, mais aussi celle du futur éco-hameau. Comment et où accueillir de nouveaux habitants ?
En parallèle, ceux du Calme avaient rédigé une longue lettre au propriétaire pour le rassurer également, proposer des solutions (bail précaire, logement en échange de travaux…). De nombreux villageois étaient attachés à la recherche d’une solution « par le haut », en vue d’un retour à la légalité mais tournée vers la vie et non pour la défense de maisons mortes.
Peut-être est-ce cette démarche qui était insupportable au pouvoir. Il est tellement amusant de diviser les pauvres et moins pauvres entre eux tandis que les très riches détruisent tranquillement la planète. Et revoilà une campagne, relayée par des reportages orientés et quelques excités, visant à inventer une prolifération de squats (« un phénomène qui inquiète ») et, sur le même registre, d’habitats légers pointés comme illégaux (« des logements qui font polémique »2)…
Alors, cette opération en préfigure-t-elle d’autres ? Avec quelles conséquences ? Il est urgent de ne pas tomber dans ce piège et d’aborder la question du logement avec le sérieux qu’elle mérite sans tabou ni vaines polémiques. C’est l’objet du groupe de travail Logement du Syndicat.

Cet article a été publié dans Le Journal du Syndicat n°1, printemps 2023.
En photo : libres discussions devant la maison après l’intervention du 5 décembre

  1.  Une résidence secondaire est un logement utilisé pour des séjours de courte durée (week-ends, loisirs, ou vacances). »
    « Un logement est vacant s’il est inoccupé et sans affectation précise par le propriétaire (logement vétuste, etc.) »
    Source : site de l’Insee ↩︎
  2. Titres des reportages de FR3 Limousin ↩︎